tziku
24-04-02, 11:59
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La gauche battue, Jean-Marie Le Pen en forte hausse, tout repart de zéro
Les Corses ont enterré le processus de Matignon
Ajaccio : Pierre Leoni
[24 avril 2002]
Au coeur d'un scrutin marqué en Corse aussi par le plébiscite à droite et la Berezina à gauche, un processus de Matignon sur le déclin... Calqués peu ou prou sur le schéma national à l'exception d'une abstention record (41 %), les résultats du premier tour de l'élection présidentielle placent Jacques Chirac largement en tête dans l'île avec 27,66% des suffrages devant Jean-Marie Le Pen. Totalisant 15,5% des voix, le candidat du Front national enregistre une progression spectaculaire de son électorat – près de 50% par rapport à 1995 – tandis que, à quelques centaines de votes de là, le candidat socialiste est relégué en troisième position, personnifiant, bien malgré lui, le recul vertigineux accusé par toutes les composantes de la gauche dans l'île.
Un score qu'un traditionnel ancrage à droite ne peut suffire à expliquer et qui résonne comme un cinglant désaveu opposé par les Corses à la démarche initiée en 1999 par le premier ministre. Loin de récolter les fruits d'un « dialogue dans la transparence », Lionel Jospin n'a pas même réussi à mobiliser les partisans d'un processus dont on peut affirmer qu'il est condamné, sans craindre de se tromper au lendemain d'un scrutin qui a pourtant balayé toutes les certitudes. L'onde de choc provoquée par la brusque percée de Jean-Marie Le Pen et la déroute du chef du gouvernement laisse en effet présager des lendemains qui déchantent pour ceux qui, dans l'île, se projetaient déjà dans la perspective d'une réforme institutionnelle à l'horizon 2004.
En visite à Bastia et Ajaccio le 16 avril dernier, Jacques Chirac a catégoriquement rejeté tout « rafistolage institutionnel qui placerait la Corse en marge de la République ». Il avait pris soin d'ajouter « Ni demain, ni en 2004, ni en quelque autre date », fermant définitivement la porte à un transfert de pouvoirs législatifs à l'Assemblée territoriale.
Devant une victoire probable du président sortant, les élus insulaires voient aujourd'hui le processus se déliter. Certains, à l'instar du sénateur PRG Nicolas Alfonsi, vont jusqu'à se féliciter de l'échec programmé de ce qu'ils considèrent comme « une porte ouverte vers l'indépendance ». Seule ombre au tableau pour lui, le faible score de Jean-Pierre Chevènement auquel il s'est rallié de concert avec Emile Zuccarelli, maire PRG de Bastia. Si le candidat du Pôle républicain arrive en tête des suffrages avec plus de 31 % dans le village de Piana, fief de Nicolas Alfonsi, il ne rassemble sur son nom que 11 % des électeurs bastiais pour atteindre péniblement les 7 % sur l'ensemble de l'île. Sur le terrain de « la République une et indivisible » qu'il partageait avec Jacques Chirac durant la campagne, Jean-Pierre Chevènement n'a apparemment pas convaincu les Corses.
Il n'en demeure pas moins que les élus insulaires devront s'accommoder d'une conception de la décentralisation qui met la Corse à parité avec les autres régions françaises, bien en deçà des ambitions qu'ils avaient placées dans la seconde phase du processus. Après avoir porté ce processus à bout de bras, le président de l'assemblée de Corse, José Rossi (DL), revendique désormais « le droit d'hésiter » et affirme « n'avoir jamais été d'accord pour que l'assemblée de Corse légifère ». Conjuguant attachement républicain et volonté de sortir la région de la crise, il ne veut pas douter que Jacques Chirac fasse les réformes indispensables à l'avenir de l'île, « en la situant dans l'ensemble républicain ».
Une opinion que partage Jean Baggioni, président RPR du conseil exécutif qui, arguant de l'engagement pris par le chef de l'Etat de mettre en oeuvre rapidement la loi du 22 janvier 2002, attend « l'heure de vérité ». Cela ne l'empêche pas de fustiger « l'usine à gaz proposée lors des discussions de Matignon par le directeur de cabinet du premier ministre », ce « pouvoir législatif encadré », qui pourrait rompre le fragile équilibre régnant en Corse et ramener l'île à ses heures les plus sombres.
Déjà malmené, le processus est, pour les nationalistes corses, « mal en point » après l'éviction de Lionel Jospin. En l'absence de réforme institutionnelle, ils le considéreraient comme totalement caduc. Les dés ne seront définitivement jetés qu'après les prochaines élections législatives, les indépendantistes déclarant attendre le scrutin « pour se positionner ».
Mais, au vu des résultats du premier tour, « la Corse apparaît à la remorque d'un navire en perdition, la France », constate Jean Guy Talamoni, chef de file du groupe Corsica Nazione. Et de conclure : « C'est pourquoi nous proposons de prendre nos distances le plus rapidement possible. » A moins d'un changement de cap dans la politique que Jacques Chirac a fait sienne, le dossier corse s'oriente vers un retour à la case départ.
La gauche battue, Jean-Marie Le Pen en forte hausse, tout repart de zéro
Les Corses ont enterré le processus de Matignon
Ajaccio : Pierre Leoni
[24 avril 2002]
Au coeur d'un scrutin marqué en Corse aussi par le plébiscite à droite et la Berezina à gauche, un processus de Matignon sur le déclin... Calqués peu ou prou sur le schéma national à l'exception d'une abstention record (41 %), les résultats du premier tour de l'élection présidentielle placent Jacques Chirac largement en tête dans l'île avec 27,66% des suffrages devant Jean-Marie Le Pen. Totalisant 15,5% des voix, le candidat du Front national enregistre une progression spectaculaire de son électorat – près de 50% par rapport à 1995 – tandis que, à quelques centaines de votes de là, le candidat socialiste est relégué en troisième position, personnifiant, bien malgré lui, le recul vertigineux accusé par toutes les composantes de la gauche dans l'île.
Un score qu'un traditionnel ancrage à droite ne peut suffire à expliquer et qui résonne comme un cinglant désaveu opposé par les Corses à la démarche initiée en 1999 par le premier ministre. Loin de récolter les fruits d'un « dialogue dans la transparence », Lionel Jospin n'a pas même réussi à mobiliser les partisans d'un processus dont on peut affirmer qu'il est condamné, sans craindre de se tromper au lendemain d'un scrutin qui a pourtant balayé toutes les certitudes. L'onde de choc provoquée par la brusque percée de Jean-Marie Le Pen et la déroute du chef du gouvernement laisse en effet présager des lendemains qui déchantent pour ceux qui, dans l'île, se projetaient déjà dans la perspective d'une réforme institutionnelle à l'horizon 2004.
En visite à Bastia et Ajaccio le 16 avril dernier, Jacques Chirac a catégoriquement rejeté tout « rafistolage institutionnel qui placerait la Corse en marge de la République ». Il avait pris soin d'ajouter « Ni demain, ni en 2004, ni en quelque autre date », fermant définitivement la porte à un transfert de pouvoirs législatifs à l'Assemblée territoriale.
Devant une victoire probable du président sortant, les élus insulaires voient aujourd'hui le processus se déliter. Certains, à l'instar du sénateur PRG Nicolas Alfonsi, vont jusqu'à se féliciter de l'échec programmé de ce qu'ils considèrent comme « une porte ouverte vers l'indépendance ». Seule ombre au tableau pour lui, le faible score de Jean-Pierre Chevènement auquel il s'est rallié de concert avec Emile Zuccarelli, maire PRG de Bastia. Si le candidat du Pôle républicain arrive en tête des suffrages avec plus de 31 % dans le village de Piana, fief de Nicolas Alfonsi, il ne rassemble sur son nom que 11 % des électeurs bastiais pour atteindre péniblement les 7 % sur l'ensemble de l'île. Sur le terrain de « la République une et indivisible » qu'il partageait avec Jacques Chirac durant la campagne, Jean-Pierre Chevènement n'a apparemment pas convaincu les Corses.
Il n'en demeure pas moins que les élus insulaires devront s'accommoder d'une conception de la décentralisation qui met la Corse à parité avec les autres régions françaises, bien en deçà des ambitions qu'ils avaient placées dans la seconde phase du processus. Après avoir porté ce processus à bout de bras, le président de l'assemblée de Corse, José Rossi (DL), revendique désormais « le droit d'hésiter » et affirme « n'avoir jamais été d'accord pour que l'assemblée de Corse légifère ». Conjuguant attachement républicain et volonté de sortir la région de la crise, il ne veut pas douter que Jacques Chirac fasse les réformes indispensables à l'avenir de l'île, « en la situant dans l'ensemble républicain ».
Une opinion que partage Jean Baggioni, président RPR du conseil exécutif qui, arguant de l'engagement pris par le chef de l'Etat de mettre en oeuvre rapidement la loi du 22 janvier 2002, attend « l'heure de vérité ». Cela ne l'empêche pas de fustiger « l'usine à gaz proposée lors des discussions de Matignon par le directeur de cabinet du premier ministre », ce « pouvoir législatif encadré », qui pourrait rompre le fragile équilibre régnant en Corse et ramener l'île à ses heures les plus sombres.
Déjà malmené, le processus est, pour les nationalistes corses, « mal en point » après l'éviction de Lionel Jospin. En l'absence de réforme institutionnelle, ils le considéreraient comme totalement caduc. Les dés ne seront définitivement jetés qu'après les prochaines élections législatives, les indépendantistes déclarant attendre le scrutin « pour se positionner ».
Mais, au vu des résultats du premier tour, « la Corse apparaît à la remorque d'un navire en perdition, la France », constate Jean Guy Talamoni, chef de file du groupe Corsica Nazione. Et de conclure : « C'est pourquoi nous proposons de prendre nos distances le plus rapidement possible. » A moins d'un changement de cap dans la politique que Jacques Chirac a fait sienne, le dossier corse s'oriente vers un retour à la case départ.